Faire exécuter un jugement français en Espagne : le guide complet
L’Europe est un espace de droit unifié, et la mobilité des personnes comme des capitaux s’accompagne d’une nécessaire fluidité dans l’application des décisions de justice.
Si vous avez obtenu un jugement français et que vous souhaitez le faire exécuter en Espagne, il est essentiel de comprendre la procédure.
Longtemps complexe, la reconnaissance et l’exécution d’une décision de justice entre États membres de l’Union européenne a été considérablement simplifiée.
Fini, dans la plupart des cas, l’ancienne procédure d’exequatur lourde et coûteuse. Découvrez comment faire valoir vos droits de l’autre côté des Pyrénées.
Principe de reconnaissance mutuelle dans l’UE
Au cœur de l’intégration juridique européenne se trouve le principe de reconnaissance mutuelle.
Ce principe fondamental stipule qu’un jugement rendu dans un État membre de l’Union européenne doit être reconnu et exécuté dans un autre État membre comme s’il s’agissait d’une décision nationale.
L’objectif est clair : faciliter la libre circulation des décisions de justice et garantir une protection juridique effective des citoyens et des entreprises à travers les frontières.
Ce principe est la pierre angulaire qui a permis la mise en place de mécanismes simplifiés pour l’exécution des jugements français en Espagne, en éliminant les obstacles procéduraux superflus.
Procédure simplifiée : absence d’exequatur
La simplification majeure est intervenue avec l’entrée en vigueur du Règlement (UE) n° 1215/2012, dit Règlement Bruxelles I bis, le 10 janvier 2015.
Ce texte a révolutionné la matière en supprimant purement et simplement la nécessité de la procédure d’exequatur pour la plupart des décisions civiles et commerciales rendues dans un État membre de l’UE et que l’on souhaite faire exécuter dans un autre État membre.
Concrètement, cela signifie qu’un jugement rendu en France est, en principe, directement exécutoire en Espagne, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une déclaration de force exécutoire préalable devant un tribunal espagnol.
Cette avancée majeure réduit considérablement les délais et les coûts pour les créanciers.
Conditions de reconnaissance automatique
Pour bénéficier de cette reconnaissance automatique et de l’absence d’exequatur, certaines conditions doivent être remplies.
Le jugement doit être une décision en matière civile ou commerciale.
Il doit avoir été rendu dans un État membre de l’UE et être exécutoire dans l’État d’origine (la France, dans notre cas).
Bien que la reconnaissance soit automatique, il existe des motifs limités et exceptionnels pour lesquels un tribunal espagnol pourrait refuser la reconnaissance ou l’exécution.
Ces motifs incluent la contrariété manifeste à l’ordre public espagnol, l’absence de notification de l’acte introductif d’instance au défendeur (violation des droits de la défense) ou l’incompatibilité avec un jugement antérieur rendu en Espagne.
Cependant, ces cas sont rares et strictement interprétés.
Documents à fournir pour l’exécution d’un jugement français en Espagne
Pour procéder à l’exécution forcée d’un jugement français en Espagne, vous devrez rassembler les documents suivants :
- Une copie certifiée conforme du jugement français, attestant de son authenticité et de son caractère exécutoire en France.
- L’attestation prévue à l’article 53 du Règlement Bruxelles I bis, également connue sous le nom de « certificat européen ».
Ce formulaire standardisé, rempli et délivré par la juridiction française ayant rendu le jugement, contient toutes les informations nécessaires sur la décision et sa force exécutoire.
- Une traduction assermentée (traducción jurada) en espagnol de tous les documents, si ceux-ci ne sont pas déjà rédigés dans cette langue.
La traduction doit être effectuée par un traducteur agréé par le ministère espagnol des Affaires étrangères.
Il est impératif de s’assurer que tous les documents sont complets et correctement certifiés pour éviter tout retard ou rejet de la demande d’exécution.
Cas nécessitant une procédure spéciale ou une contestation
Bien que la procédure soit grandement simplifiée, il existe des situations où une intervention judiciaire reste nécessaire ou où la reconnaissance de la décision peut être contestée.
Si le débiteur s’oppose à l’exécution forcée en invoquant l’un des motifs de refus mentionnés précédemment (par exemple, non-respect des droits de la défense ou contrariété à l’ordre public), il devra introduire un recours devant le tribunal espagnol compétent.
Dans ce cas, le juge espagnol examinera si les conditions de non-reconnaissance sont effectivement remplies.
De plus, certaines matières spécifiques, comme les jugements en matière familiale (mariage, divorce, filiation), sont régies par d’autres règlements européens (ex: Règlement Bruxelles II bis, Règlement Successions) qui peuvent avoir des procédures légèrement différentes, bien que visant également la simplification.
Il est crucial de bien identifier le champ d’application de chaque règlement.
Délais et coûts de la procédure d’exécution d’un jugement français en Espagne
L’un des principaux avantages de la suppression de l’exequatur est la réduction significative des délais.
En théorie, l’exécution forcée d’un jugement français en Espagne peut être demandée quasi immédiatement après l’obtention du certificat européen.
Cependant, le débiteur dispose d’un délai d’un mois à compter de la notification de la décision d’exécution pour former un recours contre celle-ci.
Les délais effectifs dépendront ensuite de la célérité du tribunal espagnol et de l’existence ou non d’une contestation.
Concernant les coûts, les principaux postes de dépenses seront les frais de traduction assermentée des documents, qui peuvent varier en fonction du volume du jugement, et les honoraires d’avocat et de procurador (représentant judiciaire obligatoire en Espagne pour certaines procédures) qui vous accompagneront dans la démarche.
Ces honoraires sont libres et dépendent de la complexité du dossier et de la valeur du litige.
Il n’y a pas de frais de justice fixes pour l’obtention de la force exécutoire elle-même, grâce à la suppression de l’exequatur.
Lien vers les litiges commerciaux
La simplification de la procédure d’exécution est particulièrement bénéfique pour les litiges commerciaux transfrontaliers.
Les entreprises françaises qui ont obtenu gain de cause contre des débiteurs espagnols peuvent désormais recouvrer leurs créances plus rapidement et plus efficacement, renforçant ainsi la sécurité juridique des échanges économiques au sein de l’UE.
Que ce soit pour le recouvrement de factures impayées, l’exécution de contrats ou la reconnaissance de dommages et intérêts, le Règlement Bruxelles I bis est un outil puissant pour les acteurs économiques.
Assistance pour l’exécution de vos décisions de justice
Naviguer dans les méandres du droit international peut s’avérer complexe, même avec des procédures simplifiées.
Il est vivement recommandé de faire appel à des professionnels du droit spécialisés en droit international privé et en droit espagnol pour vous assister dans l’exécution de votre jugement français en Espagne.
Un avocat pourra vous conseiller sur la stratégie la plus adaptée, préparer les documents nécessaires, et vous représenter devant les tribunaux espagnols si une contestation survient.
Nous sommes là pour vous guider à chaque étape de cette procédure et assurer la pleine effectivité de vos droits.
FAQ : Exécution d’un jugement français en Espagne
Qu’est-ce que l’exequatur et est-il encore nécessaire pour un jugement français en Espagne ?
L’exequatur était une procédure par laquelle un tribunal d’un pays devait déclarer exécutoire un jugement rendu dans un autre pays. Grâce au Règlement Bruxelles I bis (depuis 2015), cette procédure n’est généralement plus nécessaire pour les jugements civils et commerciaux français que l’on souhaite exécuter en Espagne. La reconnaissance est automatique.
Quels sont les documents essentiels pour faire exécuter un jugement français en Espagne ?
Vous aurez besoin d’une copie certifiée conforme du jugement français et de l’attestation prévue à l’article 53 du Règlement Bruxelles I bis (certificat européen). Tous les documents devront être accompagnés d’une traduction assermentée en espagnol.
Dans quels cas un jugement français pourrait-il ne pas être reconnu en Espagne ?
Les motifs de refus sont très limités : si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public espagnol, si les droits de la défense n’ont pas été respectés (par exemple, absence de notification au défendeur) ou si le jugement est incompatible avec une décision espagnole antérieure.
Quel est le délai pour faire exécuter un jugement français en Espagne et quels sont les coûts ?
L’exécution peut être demandée immédiatement après l’obtention du certificat européen. Le débiteur dispose d’un mois pour contester. Les coûts principaux incluent les frais de traduction assermentée et les honoraires d’avocat et de procurador, car il n’y a plus de frais spécifiques pour la procédure d’exequatur.
Faut-il obligatoirement un avocat pour l’exécution d’un jugement en Espagne ?
Bien que la procédure soit simplifiée, l’assistance d’un avocat spécialisé en droit international et en droit espagnol est fortement recommandée. Il pourra vous aider à préparer les documents, à gérer la procédure d’exécution forcée et à vous défendre en cas de contestation devant le tribunal espagnol compétent.
